Face à l’épidémie mondiale de Covid-19 due à la propagation d’un nouveau coronavirus, les prises de parole des scientifiques de l’écologie se sont multipliées ces derniers jours pour alerter sur le lien entre les atteintes que nous faisons subir à la biodiversité et l’émergence de nouvelles maladies infectieuses épidémiques. Pour le Comité français de l’UICN comme pour ces chercheurs, la destruction des habitats naturels, le commerce et la consommation d’animaux sauvages exotiques et les perturbations de toutes sortes imposées aux écosystèmes par les activités humaines, engendrent des déséquilibres écologiques importants qui créent de plus en plus de possibilités de passage des micro-organismes issus de la faune sauvage vers les humains.
Comme d’autres épidémies majeures survenues ces dernières années (SRAS, MERS, Sida, Ebola…), ce sont encore une fois les activités humaines et leurs impacts sur l’environnement qui sont pointées du doigt dans la propagation du nouveau virus de type SARS-CoV. Parti d’un marché commercialisant des animaux sauvages à Wuhan en Chine, le pathogène est vraisemblablement issu d’une recombinaison virale impliquant plusieurs hôtes sauvages, parmi lesquels des chauves-souris et des pangolins. Illustrant la pression des trafics sur la faune, ces derniers figurent au rang des animaux les plus braconnés au monde. Malgré le classement des huit espèces de pangolins parmi les espèces menacées de la Liste rouge de l’UICN et leur inscription à l’annexe 1 de la convention de Washington (CITES) interdisant leur commerce international, ces animaux sont victimes d’intenses trafics pour leur viande et leurs écailles, avec une estimation de plus de 200 000 individus braconnés chaque année dans le monde.
Cette crise sanitaire d’une ampleur inédite apparaît ainsi comme le symptôme d’une crise plus profonde, celle de la biodiversité. En poursuivant la destruction de la nature comme nous la menons jusque-là, nous nous dirigeons vraisemblablement au-devant de déséquilibres encore plus dangereux pour l’Humanité. Le Comité français de l’UICN appelle donc instamment à ce que cette crise sanitaire agisse comme un signal d’alarme. Il appelle également à poursuivre la mobilisation engagée pour la préservation de la biodiversité dans la perspective du prochain Congrès mondial de l’UICN et de la COP15 Biodiversité (lire la tribune du Directeur du Comité français de l’UICN parue dans le JDD).
Pour nous prémunir de nouvelles pandémies dans les prochaines années, elle doit être le déclencheur de changements profonds dans nos façons de produire et de consommer, nos modes d’élevage intensif et notre économie mondialisée. Plus largement, elle doit nous conduire à repenser notre relation avec le vivant pour nous assurer à l’avenir un environnement préservé garant de notre sécurité sanitaire.
« L’accélération des pressions humaines sur le reste du vivant, la destruction et l’uniformisation des milieux naturels remplacés par les paysages de l’agriculture industrielle, le commerce incontrôlé et international des plantes et des animaux sauvages au prétexte de traditions locales, voilà certaines des raisons du creusement des inégalités et des sources de quelques émergences sanitaires », selon François Moutou, épidémiologiste et expert de la Commission de sauvegarde des espèces du Comité français de l’UICN.
Crédit image : UICN