L’envers d’un monde met en jeu et en mouvement, par une performance circassienne implantée en plein cœur d’un espace naturel, la démesure et le réalisme de notre monde, dans cet interstice entre la liberté humaine et celle de la Terre. Par ce spectacle, l’art circassien s’empare des enjeux de la consommation et de la production de masse, destructrices des écosystèmes, pour en renverser les symboles les plus forts et l’interroger sous tous ses aspects, matériels, relationnels, corporels, émotionnels. Mêlant tour à tour, acro-danse, fil tendu, manipulation d’objets, suspension maxillaire, ce groupe international de cinq circassiens donne à voir et à retranscrire une mise en danger, vertigineuse et acrobatique, bien loin des chemins rectilignes de la morale.
La mise en scène est celle d’un zoo humain, situé dans un futur dystopique mais qui n’est jamais très loin de la réalité que nous habitons. En s’inscrivant dans un espace naturel défini, et en créant un contraste avec lui, L’envers d’un monde invite le public à aborder cet espace sous un nouvel angle. Autour de cette performance, des actions culturelles de sensibilisation à l’environnement seront proposées sur plusieurs jours avec la population locale.
Une promenade immersive, telle une expédition collective, ouvrira le voyage amenant les spectateurs sur le lieu du spectacle. Celui-ci devient alors la jonction des vivants : un public intergénérationnel, complice d’une forme artistique singulière, inscrite dans un espace naturel. Les jeux de contraste entre fiction et réel, rêve et cauchemar, rire et désespoir, sont des outils pour parler du monde d’aujourd’hui. Des outils issus du cirque dont l’essence même est d’être un art vivant, un art du réel.
Quel est votre rapport, en tant qu’artiste ou à titre personnel, à l’engagement environnemental ? Comment imaginez-vous le monde qui vient ?
Ces deux questions sont pour nous indissociables. Au sein du collectif, l’artiste n’est pas dissocié de nos individualités, tant sur l’engagement environnemental que sur tout autre engagement. C’est au contraire notre pensée commune qui nous a réunis. Elle est à l’essence même de ce projet.
La période particulière que nous venons de traverser et qui a donné à la nature un répit de quelques mois, nous amène à nous interroger : ne faudrait-il pas créer avec et pour elle ? Réinventer des modèles de production, créer avec les espaces déjà existants, transformer et solidariser le public avec de nouvelles initiatives de partage et de créations collectives.
Ce cirque de nature que nous construisons est pour nous le vecteur de cette transition éco-culturelle, au travers d’une forme artistique pluridisciplinaire qui rassemble et transforme pour un nouveau départ. Nos engagements personnels créent une complicité à l’unisson, qui vient se placer au cœur de notre travail. C’est justement parce que ces engagements nous sont chers individuellement qu’ils se complètent et génèrent une effervescence bienveillante à l’égard des espaces naturels de création et des populations ancrées au cœur de ce patrimoine. Le tout, face à une pression de production à n’importe quel prix. C’est la force de cette pensée commune qui nous a rassemblés, pour créer et s’interroger.
Ce projet, tout en étant une satire, est avant tout le fruit d’un espoir commun qui vibre au travers des instants de production et de création alternative. A l’heure où la consommation est à son apogée, il nous faut sortir des sentiers battus et restituer l’art au cœur de la nature. La nature au cœur de notre humanité.
Image à la une : © Erwan Tarlet, Maria-Jesus Penjean Puig, Marin Garnier, Tia Balacey et Giuseppe Germini, 2020